Le tribunal administratif de BESANCON a récemment été amené à se prononcer sur une situation de harcèlement moral au sein d’une collectivité territoriale et à rendre une décision que l’on rencontre peu mais dont la portée pourrait intéresser les collectivités qui seraient amenées à devoir répondre des agissements de leurs agents (TA BESANCON, 3 décembre 2024, req. n°2200849).
Le harcèlement moral s’entend, suivant l’article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 en vigueur jusqu’au 1er mars 2022, et ’article L. 133-2 du code général de la fonction publique à compter du 1er mars 2022, en ces termes :
« Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. ».
Dans le cadre de son office, le juge administratif considère que :
« Il appartient par ailleurs à l’agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu’il entend contester le refus opposé par l’administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d’en faire présumer l’existence. Il incombe à l’administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d’apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu’il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d’instruction utile ».
Toutefois, le harcèlement moral n’étant effectivement et matériellement pas le fait de l’administration mais nécessairement d’un ou de plusieurs agents, la victime de ces agissements :
« […] peut demander à être indemnisé par l’administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d’une faute qui serait imputable à celle-ci. Dans ce cas, si ces agissements sont imputables en tout ou partie à une faute personnelle d’un autre ou d’autres agents publics, le juge administratif, saisi en ce sens par l’administration, détermine la contribution de cet agent ou de ces agents à la charge de la réparation ».
(CE, 28 juin 2019, req. N°415863)
En l’occurrence, le tribunal a admis l’existence d’une situation de harcèlement moral, mais encore condamné la collectivité et, surtout, l’agent auteur des faits constitutifs de ce harcèlement à garantir la collectivité en question à hauteur de 33% des condamnations prononcées.
La motivation adoptée, reprise de la décision précitée du conseil d’Etat, laisse à penser que seule l’administration serait recevable à demander au tribunal de fixer la contribution de l’agent auteur des faits à la réparation ; autrement dit, la victime qui a bien souvent, sinon systématiquement, la qualité de requérante, ne semble donc pas recevable à présenter de telles conclusions, alors que rien, en l’état ne permet de l’exclure dans les textes et la jurisprudence. Il semble, en réalité, que cette solution soit empirique et pratique, destinée à facilité le sort de la victime en lui permettant de s’adresser directement à son administration dès lors que la faute personnelle de l’agent n’est pas détachable du service.
Enfin, la possibilité ainsi offerte à l’administration de présenter de telles conclusions, permet aussi de responsabiliser l’agent auteur des faits d’une part, et de l’associer aux débats conformément aux principes du contradictoires et des droits de la défense, d’autre part.