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Longtemps ignoré, le développement durable est entré dans la sphère contractuelle publique sous l’influence communautaire[1] traduite au travers de quatre versions successives du code des marchés publics.

Un changement de paradigme, consolidé par le code de la commande publique[2], qui environnementalise[3] chaque étape du processus contractuel. Il contraint tant les acheteurs publics que les entreprises candidates puis titulaires de ces marchés à « verdir » leurs rapports.

  1. Au stade de la définition de l’objet du marché et de sa formalisation technique

L’achat public, de quelque nature, se doit d’être écologiquement responsable.[4] Toutefois, les objectifs environnementaux doivent être liés à l’objet du marché et non aux besoins du donneur d’ordre[5]. Ainsi, si le contrat porte sur la construction d’un immeuble, l’objectif environnemental devra être intrinsèquement lié à cette construction tel que son impact écologique.

L’objectif environnemental doit donc, pour le moment, se limiter au périmètre contractuel.

Ce faisant, c’est par l’insertion de clauses techniques dites environnementales[6] que la personne publique va contraindre les candidats dans l’élaboration de leur offre. Ces clauses techniques peuvent se référer par exemple à une norme, comme la norme ISO 14 001 ou les écolabels, dont le niveau d’exigence s’imposera aux candidats.

Les clauses techniques peuvent ainsi prévoir des obligations relatives au cycle de vie des produits (conception, assemblage, démontage, recyclage) dans le cadre d’un marché public de fournitures.

Les candidats devront donc scrupuleusement s’attacher à élaborer une offre satisfaisant ces spécifications techniques.

  1. Au stade des critères dans le choix des offres

Les caractéristiques environnementales de l’offre doivent être obligatoirement prises en compte par au moins un des critères de sélections des offres[7]. Ces caractéristiques déterminent, au même titre que les autres critères, l’offre économiquement la plus avantageuse.

En pratique, les critères et sous-critères environnementaux sont généralement regroupés sous l’intitulé « qualité de l’offre » et sont d’une variété assez limitée.

Le critère environnemental s’illustre par l’exigence de « bonnes pratiques » telles que la proximité géographique des lieux d’extractions, l’émission de gaz à effet de serre, l’énergie contrôlée (par le recours à des véhicules électriques par exemple) utilisée par les véhicules ou encore la prévention des risques environnementaux.

En d’autres termes, par le jeu de la pondération des critères, l’offre d’un candidat peut être écartée au bénéfice d’une offre au prix supérieur à la faveur d’une note basse au titre du critère relatif à la qualité de l’offre.

Après la suppression, du critère unique du prix[8], l’acheteur public pourra, à partir de 22 août 2026, sélectionner les offres sur le critère unique du coût global à la condition qu’il intègre les caractéristiques environnementales de l’offre.

  1. Exclusions et opportunités

La loi relative à l’industrie verte promulguée le 23 octobre 2023[9] organise l’exclusion de certaines entreprises des procédures de passation de la commande publique.

Deux cas d’exclusion des procédures de passation sont prévus à l’égard des entreprises qui qui ne respecteraient pas :

  • l’obligation de publier leurs informations relatives à la durabilité,
  • l’obligation, pour celles qui y sont tenues[10], d’établir un bilan des émissions de gaz à effet de serre au titre de l’année précède la publication de l’appel d’offres.

Cette loi amorce la prise en compte des objectifs environnementaux dès le stade de la sélection des candidats admis à présenter une offre et, par là même, l’appréciation de leur capacité à soumissionner.

L’étau se resserre mais présage d’une réindustrialisation porteuse de nouveaux marchés.

A ces marchés s’ajoutent les prochains marchés globaux portant sur la rénovation des bâtiments publics (responsables d’un quart des émissions de dioxyde de carbone[11]) pour lesquels les personnes publiques peuvent, depuis le 30 mars 2023[12], et pendant une durée de cinq ans, déroger au code de la commande publique en recourant au tiers financement pour répondre à l’urgence climatique.

L’environnementalisation des marchés publics poursuivra indubitablement son ascension par la multiplication de contraintes mais aussi d’opportunités.

Maître Catherine SUISSA et Maître Karima MANHOULI

 

 

[1] Voir notamment Dir. 2004/17/CE 31 mars 2004 et Dir. 2004/18/CE, JOUE n° L 134, 30 avril 2004.

[2] Article L 3-1 du code de la commande publique introduit par la loi n°2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets dite « Loi climat et résilience »

[3] Néologisme de l’auteur

[4] Article L2111-3 du code de la commande publique

[5] CE, 15 fév.2013, n° 363921, Derichebourg Polyurbaine

[6] Article R 2111-4 et suivants du code de la commande publique

[7] Article L 2111-1 du code de la commande publique

[8] Ancien article R 2152-7 du code de la commande publique supprimé par le décret n°2022-767 du 2 mai 2022

[9] Articles 25 à 30 de la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte

[10] Article L 229-25 du code de l’environnement

[11] Energies dans les bâtiments, Ministère Ecologie Energie Territoires (ecocologie.gouv.fr)

[12] Loi n°2023-222 du 30 mars 2023 visant à ouvrir le tiers financement à l’Etat, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales