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Il est bien connu qu’un projet de PLU, avant d’être approuvé, doit être soumis pour avis à différents organes et institutions.

Les auteurs d’un PLU ne manquent ainsi pas, en application du 1° de l’article R. 153-16 du code de l’urbanisme, de consulter les personnes publiques associées – qualifiées de « PPA » dans le jargon du droit de l’urbanisme. La liste de ces « PPA » est fixée aux articles L. 132-7 et L. 132-9 du code de l’urbanisme. Doivent par exemple être saisis pour avis l’État, les régions, les départements, les autorités organisatrices de la mobilité ou encore l’établissement public chargé de l’élaboration, de la gestion et de l’approbation d’un SCOT lorsque le territoire objet du PLU est situé dans le périmètre d’un tel schéma.

Figure au nombre de ces consultations l’obligation bien connue de nos territoires ruraux de saisir la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) lorsque le projet de PLU couvre une commune ou un EPCI situé en dehors du périmètre d’un SCOT et a pour conséquence une réduction des surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers (2° de l’article R. 153-16 du code de l’urbanisme).

Mais la saisine du Centre national de la propriété forestière (CNPF) paraît moins évidente et pourrait être source d’omission de la part des auteurs d’un PLU. Or, un tel oubli serait susceptible de vicier l’ensemble de la procédure d’élaboration d’un PLU (voir, par exemple : CAA de BORDEAUX, 12 mai 2009, Commune de Lahosse, n° 08BX01091 s’agissant de l’irrégularité d’une délibération approuvant une carte communale comportant une réduction des espaces agricoles en raison de l’absence de consultation de la chambre d’agriculture).

Cette obligation de consulter le CNPF résulte de la lecture combinée des articles R. 153-6 du code de l’urbanisme et L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime.

Le premier dispose :

« Conformément à l’article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime, le plan local d’urbanisme ne peut être approuvé qu’après avis de la chambre d’agriculture, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée et, le cas échéant, du Centre national de la propriété forestière lorsqu’il prévoit une réduction des espaces agricoles ou forestiers. (…) »

Article R. 153-6 du code de l’urbanisme

Le second énonce :

« Les schémas directeurs, les plans d’occupation des sols ou les documents d’urbanisme en tenant lieu et les documents relatifs au schéma départemental des carrières ou au schéma régional des carrières prévoyant une réduction des espaces agricoles ou forestiers ne peuvent être rendus publics ou approuvés qu’après avis de la chambre d’agriculture, de l’Institut national de l’origine et de la qualité dans les zones d’appellation d’origine contrôlée et, le cas échéant, du Centre national de la propriété forestière. Il en va de même en cas de révision ou de modification de ces documents. (…) »

Article L. 112-3 du code rural et de la pêche maritime

La consultation préalable du CNPF soulève cependant plusieurs interrogations et incertitudes qui peuvent expliquer que certaines collectivités ne le saisissent pas dans le cadre de l’élaboration d’un PLU.

En premier lieu, elle semble être réservée à certains cas de figure dans la mesure où les deux textes précités mentionnent une consultation du CNPF « le cas échéant ». On pourrait par exemple penser que le CNPF ne doit être consulté qu’en cas de réduction des espaces forestiers, la chambre d’agriculture devant quant à elle être consultée en cas de réduction des seuls espaces agricoles et l’Institut national de l’origine et de la qualité ne devant l’être que dans les zones d’appellation d’origine contrôlée. Cependant, aucune disposition législative ou réglementaire ni aucune décision jurisprudentielle n’entérine clairement cette interprétation.

Elle pourrait pourtant être corroborée par le rôle assigné au CNPF qui se limite finalement au domaine forestier. Cet établissement public de l’État à caractère administratif est en effet « compétent pour développer, orienter et améliorer la gestion forestière des bois et forêts des particuliers » (article L. 321-1 du code forestier). À ce titre, il a notamment pour mission de développer le regroupement foncier des propriétaires forestiers, de faciliter la gestion et la commercialisation des produits et services des forêts ou encore de contribuer selon ses moyens à la mise en œuvre d’actions exercées pour la protection de la santé des forêts.

Partant, on conçoit mal en quoi il serait pertinent de consulter le CNPF lorsqu’un projet de PLU a seulement pour effet de réduire les espaces agricoles. Pour autant, en l’absence de texte ou de décision jurisprudentielle clairs n’imposant la consultation du CNPF qu’en cas de réduction des espaces forestiers, il demeurerait préférable de le consulter y compris lorsque seule une réduction des espaces agricoles est prévue par le futur PLU.

Mais son rôle paraitrait alors superfétatoire au regard de l’obligation de saisir la CDPNAF.

En second lieu, l’ambiguïté tenant à la consultation du CNPF résulte de ce qu’elle semble faire doublon, tel que sus observé, avec la saisine du CDPENAF qui, en l’absence de SCOT, ne s’impose elle aussi que pour les PLU qui ont pour conséquence une réduction des surfaces des espaces naturels, agricoles et forestiers.

Les auteurs d’un PLU pourraient alors être tentés de croire que l’avis du CDPENAF les dispense de recueillir celui du CNPF. Un tel raisonnement est d’autant plus tentant que la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a remplacé les anciennes commissions départementales de la consommation des espaces agricoles (CDCEA) par les CDPENAF dont le rôle n’est donc plus cantonné au domaine agricole mais s’étant également aux espaces naturels et forestiers. L’idée du législateur n’était-elle donc pas de remplacer la consultation des chambres d’agriculture et du CNPF par une commission unique chargée de s’assurer de la protection des espaces, qu’ils soient naturels, agricoles ou forestiers ? Les travaux parlementaires ne permettent cependant pas d’avaliser cette interprétation, alors au surplus que la loi de 2014 n’a pas abrogé les dispositions qui imposent une consultation du CNPF.

A l’inverse, le maintien de la compétence consultative du CNPF peut se concevoir dans la mesure où les fonctions qui lui sont attribuées diffèrent de celles de la CDPENAF.

Tout d’abord, il est aisé de constater, de par leur nom, que ces instances n’interviennent pas au même niveau de l’organisation étatique : le CNPF est une instance nationale (jusqu’en 2009, la compétence pour se prononcer sur les PLU étaient dévolue aux centres régionaux de la propriété forestière), tandis que le CDPENAF est une instance régionale.

Ensuite, ces organes sont composées différemment : le CNPF est majoritairement composé de représentants des propriétaires forestiers élus par les conseils des centres régionaux de la propriété forestière (articles L. 321-7 et R. 321-5 du code forestier) ; la CDPENAF, présidée par le préfet, est quant à elle composée de représentants de l’État, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des professions agricole et forestière, des chambres d’agriculture et des organismes nationaux à vocation agricole et rurale, des propriétaires fonciers, des notaires, des associations agréées de protection de l’environnement et des fédérations départementales ou interdépartementales des chasseurs (article L. 112-1-1 du code rural et de la pêche maritime).

Enfin, ces organes ne poursuivent pas les mêmes finalités : comme indiqué précédemment, le rôle du CNPF se conçoit uniquement en lien avec les bois et forêts et est loin de ne s’appréhender que dans un rapport aux règles d’urbanisme. La CDPENAF, pour sa part, est une instance essentiellement consultative qui a pour vocation principale de se prononcer sur la réduction des surfaces naturelles, forestières et à vocation ou à usage agricole et sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation de ces surfaces dans les documents d’urbanisme. Son rôle a donc majoritairement été pensé dans le cadre du droit de l’urbanisme.

Dans ces conditions, les interventions du CNPF et de la CDPENAF au cours de la procédure d’élaboration d’un PLU ne paraissent pas se confondre parfaitement pour pouvoir en déduire que la consultation de l’un puisse exonérer de la nécessité de consulter l’autre.

Par Camille FERNANDES
Docteure en droit public
Élève avocate