Récemment, le Conseil d’Etat a entendu préciser les conditions dans lesquelles un maître d’ouvrage peut engager la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant à un marché public de travaux (CE, 30 décembre 2024, req. 491818, mentionné aux tables du recueil Lebon).
Un maître d’ouvrage a conclu un marché public de travaux, portant sur le remplacement des menuiseries extérieures des fenêtres d’un bâtiment, avec un constructeur ayant sous-traité une partie des prestations. Toutefois, les fenêtres installées ne permettaient pas aux occupants des bâtiments d’être protégés des nuisances sonores. Ainsi, le maître d’ouvrage souhaitait obtenir la condamnation solidaire du constructeur et de son sous-traitant, au titre respectivement de leur responsabilité contractuelle et quasi-délictuelle, en réparation des préjudices subis du fait de la mauvaise exécution du marché public.
Comme rappelé récemment par le Conseil d’Etat (CE, 20 décembre 2024, req. 475416, mentionné aux tables du recueil Lebon), l’action du maître d’ouvrage tendant à la mise en jeu de la responsabilité du constructeur se prescrit :
- Lorsque les travaux ont été réceptionnés, par 10 ans à compter de la date d’effet de la réception desdits travaux, avec ou sans réserve (article 1792-4-3 du code civil) ;
- lorsque les travaux n’ont pas été réceptionnés, par 5 ans à compter de la manifestation du dommage, date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage (article 2224 du code civil).
En outre, le Conseil d’Etat a déjà admis que le maître d’ouvrage à un marché public pouvait engager la responsabilité quasi-délictuelle d’un sous-traitant (CE, 7 décembre 2015, req. 380419, publié au recueil Lebon) sous réserve que :
- cette action en responsabilité demeure subsidiaire et ne saurait, à ce titre, être engagée lorsque la responsabilité du cocontractant pourrait être utilement recherchée ;
- le maître d’ouvrage fonde son action sur la violation des règles de l’art ou la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires, et non pas sur la méconnaissance des stipulations du contrat de sous-traitance ; n’étant lui-même pas partie à ce contrat ;
- le maître d’ouvrage ne fonde pas son action sur des désordres apparus après la réception de l’ouvrage et qui ne sont pas de nature à compromettre la solidité de l’ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination.
Toutefois, et au cas d’espèce, l’action quinquennale en responsabilité contractuelle contre le constructeur était prescrite.
Dès lors, qu’en est-il de l’action en responsabilité à l’encontre du sous-traitant ?
Sur ce point, le Conseil d’Etat a jugé que :
« Il appartient, en principe, au maître d’ouvrage qui entend obtenir la réparation des conséquences dommageables d’un vice imputable à la conception ou à l’exécution d’un ouvrage de diriger son action contre le ou les constructeurs avec lesquels il a conclu un contrat de louage d’ouvrage. Il lui est toutefois loisible, dans le cas où la responsabilité du ou des cocontractants ne pourrait pas être utilement recherchée, de mettre en cause, sur le terrain quasi-délictuel, la responsabilité des participants à une opération de construction avec lesquels il n’a pas conclu de contrat de louage d’ouvrage, mais qui sont intervenus sur le fondement d’un contrat conclu avec l’un des constructeurs. Le maître d’ouvrage ne saurait cependant rechercher cette dernière responsabilité lorsqu’il a laissé prescrire l’action en responsabilité contractuelle qu’il pouvait exercer contre son ou ses cocontractants ».
Ainsi, si le maître d’ouvrage souhaite engager la responsabilité quasi-délictuelle du sous-traitant au marché public, il doit former son action avant l’expiration du délai de 5 ans applicable à la responsabilité contractuelle du constructeur.