En cette période particulière dédiée au souvenir de nos défunts, il nous paraît essentiel de faire le point sur les différents régimes juridiques relatifs à la reprise des sépultures à l’initiative de l’autorité administrative, ainsi que sur le régime des demandes d’exhumation formulées par les familles.
1. Les régimes de reprise des sépultures à l’initiative de l’autorité administrative
Le code général des collectivités territoriales fait état de trois régimes juridiques quant à la reprise des sépultures à l’initiative de l’autorité administrative. Ces régimes peuvent être complétés par le règlement du cimetière, établi par la commune ou l’EPCI compétent.
1.1. La reprise de sépulture en terrain commun
L’inhumation en terrain commun constitue le seul service public funéraire que la commune a l’obligation d’assurer.
Ainsi, chaque commune ou établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent en matière de cimetières dispose d’au moins un cimetière comprenant un terrain consacré à l’inhumation des morts et, dans les communes et EPCI de plus de 2 000 habitants, d’au moins un site cinéraire destiné à l’accueil des cendres des personnes décédées dont le corps a donné lieu à crémation (art. L. 2223-1 du code général des collectivités territoriales).
Les inhumations en terrain commun concernent « les défunts pour lesquels aucune concession n’a été prise ou aucune place n’existe dans une concession familiale » (CAA de Bordeaux, 16 novembre 2020, req. n° 19BX00420). La commune ou l’EPCI met donc gratuitement à disposition des emplacements. Elles sont régies par les articles L. 2223-4 et R. 2223-3 à R. 2223-6 du code général des collectivités territoriales.
Contrairement aux concessions, ces emplacements peuvent être repris par l’autorité administrative, afin d’y établir une nouvelle sépulture, après le délai de rotation de cinq ans, courant à compter de la date d’inhumation du défunt (art. R. 2223-5 du code général des collectivités territoriales ; TA de Lyon, 10 septembre 2024, req. n° 2301124).
Par suite, le régime a été précisé par la jurisprudence. En effet, le juge administratif s’est fondé sur les pouvoirs de police du maire en matière de cimetières et de sépultures, sur le fondement de l’article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales, pour juger que ce dernier est compétent pour prescrire la reprise des terrains communs, par arrêté, et par voie de conséquence, de l’enlèvement des matériaux et ornements déposes sur ces fosses (CAA Marseille, 10 mars 2011, req. n° 09MA00288 ; CAA de Bordeaux, 16 novembre 2020, req. n° 19BX00420).
Cet arrêté doit être affiché à la porte de la mairie et du cimetière. Il est également recommandé de le notifier aux membres connus de la famille.
Concernant les restes mortuaires exhumés pour libérer les emplacements, le maire a l’obligation d’affecter un ossuaire aménagé dans le cimetière où les restes exhumés sont aussitôt réinhumés. Il peut également faire procéder à la crémation des restes exhumés en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt (art. L. 2223-4 du code général des collectivités territoriales). Les cendres des restes exhumés sont déposées dans un columbarium, dans l’ossuaire ou dispersées dans le lieu spécialement affecté à cet effet (art. R. 2223-6 et R. 2223-9 du code général des collectivités territoriales).
Il convient toutefois d’être vigilant quant à ces dispositions. Par décision n° 2024-1110 QPC du 31 octobre 2024, le Conseil constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution les mots « en l’absence d’opposition connue ou attestée du défunt ». Il a donc décidé de l’abrogation de ces dispositions, différée au 31 décembre 2025.
Ainsi, et jusqu’à l’entré en vigueur d’une nouvelle loi ou jusqu’à la date de l’abrogation des dispositions déclarées inconstitutionnelles, le maire a l’obligation d’informer par tout moyen les tiers susceptibles de faire connaître la volonté du défunt du fait qu’il envisage de faire procéder à la crémation des restes exhumés à la suite de la reprise d’une sépulture en terrain commun.
Afin d’assurer le principe de sécurité juridique, les mesures prises avant la publication de ladite décision ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.
Par ailleurs, il est précisé que lorsque le cimetière n’offre pas d’emplacement suffisant pour la construction de l’ossuaire, les restes des personnes exhumés peuvent être transférés par décision du maire dans l’ossuaire d’un autre cimetière appartenant à la commune ou sur le territoire d’une commune membre du même groupement de communes (art. R. 2223-6 du code général des collectivités territoriales).
Enfin, même si aucun reste n’a été retrouvé, les noms des personnes sont consignés dans un registre tenu à la disposition du public et peuvent être gravés sur un dispositif établi en matériaux durables dans le lieu spécialement affecté à cet effet ou au-dessus de l’ossuaire (art. R. 2223-6 du code général des collectivités territoriales).
1.2. La reprise des concessions échues
Conformément à l’article L. 2223-13 du code général des collectivités territoriales, lorsque l’étendue du cimetière le permet, la commune ou l’EPCI compétent peut concéder des terrains aux personnes qui désirent fondeur une sépulture familiale. Ainsi, les bénéficiaires de la concession peuvent construire sur ces terrains des caveaux, monuments et tombeaux.
Différentes concessions peuvent ainsi être accordées : les concessions temporaires pour 15 ans ou plus, 30 ans, 50 ans ou perpétuelles (art. L. 2223-14 du code général des collectivités territoriales).
Ces concessions sont accordées moyennant le versement d’une redevance par la famille concernée (art. L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales).
Les concessions temporaires sont renouvelables au prix du tarif en vigueur, fixé par l’assemblée délibérante, au moment du renouvellement. A défaut de paiement, le terrain pourra être repris par la commune, après un délai de 2 ans révolu à compter de l’expiration de la concession (art. L. 2223-15 du code général des collectivités territoriales).
Dans cette hypothèse, « les monuments et emblèmes funéraires qui ont pu être édifiés ou apposés sur ce terrain par les titulaires de cette concession, et qui n’ont pas été repris par ces derniers, sont intégrés au domaine privé de la commune à l’expiration de ce délai de deux ans » (CAA de Nancy, 23 novembre 2021, req. n° 19NC02091).
Dans le délai de 2 ans, le maire a toutefois l’obligation « de chercher par tout moyen utile à informer les titulaires d’une concession ou leurs ayants droit de l’extinction de la concession et de leur droit à en demander le renouvellement dans les deux ans qui suivent » (CAA de Nancy, 23 novembre 2021, req. n° 19NC02091).
A cette occasion, une concession peut être convertie en concession de plus longue durée. Dans ce cas, il est défalqué du prix de conversion une somme égale à la valeur que représente la concession convertie, compte tenu du temps restant encore à courir jusqu’à son expiration (art. L. 2223-16 du code général des collectivités territoriales).
Concernant les restes mortuaires, il est de jurisprudence constante que, en cas de non-renouvellement d’une concession, le juge administratif a jugé qu’il appartient au maire « après avoir prononcé par arrêté la reprise du terrain affecté à la concession, de veiller à ce que les restes des défunts soient exhumés, réunis dans un cercueil de dimensions appropriées, conformément aux dispositions de l’article R. 2223-20, et inhumés de nouveau sans délai dans un lieu définitivement affecté à cet usage ; qu’il ne résulte pas de ces dispositions que les restes transférés vers l’ossuaire doivent être individualisés » (CE, 21 novembre 2016, req. n° 390298).
1.3. La reprise des sépultures pour état d’abandon
Ce régime est principalement applicable aux concessions perpétuelles abandonnées, sous réserve que les trois conditions suivantes soient remplies :
- La procédure ne pourra être enclenchée qu’à l’expiration d’un délai de 30 ans à compter de l’octroi de la concession (art. L. 2223-17 du code général des collectivités territoriales) ;
- La procédure ne pourra être enclenchée qu’à l’expiration d’un délai de 10 ans à compter de la dernière inhumation (art. R. 2223-12 du code général des collectivités territoriales) ;
- La concession doit avoir cessé d’être entretenue et, par conséquent, doit être en état d’abandon (art. L. 2223-17 du code général des collectivités territoriales).
A titre d’exemple, le juge administratif a pu juger qu’une concession est en état d’abandon lorsqu’elle est « délabrée et envahie par les ronces ou autres plantes parasites » (CE, 24 novembre 1971, req. n° 79385).
Lorsque les conditions sont remplies, l’état d’abandon est constaté par procès-verbal dressé par le maire sur les lieux en présence d’un fonctionnaire de police délégué par le chef de circonscription ou, à défaut de ce dernier, d’un garde-champêtre ou d’un policier municipal (art. R. 2223-13 du code général des collectivités territoriales).
Conformément à l’article R. 2223-14 du code général des collectivités territoriales, le procès-verbal indique :
- L’emplacement exact de la concession ;
- L’état précis dans lequel la concession se trouve ;
- La date de l’acte de concession, le nom des parties qui ont figuré à cet acte, le nom de leurs ayants-droit et des défunts inhumés dans la concession.
Le procès-verbal est signé par le maire et par les personnes qui ont assisté à la visite des lieux (art. R. 2223-14 du code général des collectivités territoriales).
En outre, lorsque le maire a connaissance de l’existence de descendants ou successeurs du concessionnaire, il doit les informer 1 mois à l’avance par lettre recommandée avec accusé de réception, du jour et de l’heure de la constatation de l’état d’abandon et les inviter à y assister ou à se faire représenter. A défaut, un avis doit être affiché en mairie ou au cimetière (art. R. 2223-13 du CGCT)
Dans cette hypothèse, le maire leur notifie le procès-verbal dans les 8 jours suivant la constatation, par lettre recommandée avec avis de réception, et les met en demeure de rétablir la concession en bon état (art. R. 2223-15 du code général des collectivités territoriales).
A l’égard du public, le maire procède à l’affichage du procès-verbal à la mairie et au cimetière, dans le même délai de 8 jours (art. R. 2223-16 du code général des collectivités territoriales).
Enfin, la commune doit tenir une liste des concessions dont l’état d’abandon a été constaté (art. R. 2223-17 du code général des collectivités territoriales). Cette liste doit être déposée à la préfecture et à la sous-préfecture.
Une fois ces formalités accomplies, la procédure de reprise peut être engagée. Ainsi, si la concession est toujours à l’état d’abandon à l’expiration d’un délai d’un an à compter de la publicité susmentionnée, le maire doit dresser un nouveau procès-verbal, dans les mêmes conditions que le premier (art. R. 2223-18 du code général des collectivités territoriales).
Ce procès-verbal sera notifié aux intéressés avec l’indication des mesures devant être prises (art. R. 2223-18 du CGCT). Après le délai d’un mois à compter de ladite notification, le maire saisi le conseil municipal pour décider de la reprise et prend un arrêté motivé en ce sens (art. R. 2223-18 du code général des collectivités territoriales). Il sera exécutoire de plein droit dès qu’il a été procédé à sa publication et à sa notification (art. R. 2223-19 du code général des collectivités territoriales).
A l’expiration d’un délai de 30 jours à compter de la publication et de la notification de l’arrêté de reprise, le maire peut faire enlever les monuments et emblèmes funéraires restés sur la concession (art. R. 2223-20 du code général des collectivités territoriales).
Par ailleurs, le maire doit procéder à l’exhumation des restes mortuaires, qui seront placés dans un cercueil puis dans l’ossuaire (art. L. 2223-4, R. 2223-6 et R. 2223-20 du code général des collectivités territoriales).
Lorsque ces formalités ont été accomplies, la commune peut à nouveau concéder le terrain (article R.2223-21 du code général des collectivités territoriales).
Toutefois, il existe des exceptions à cette procédure. En effet, certaines concessions ne peuvent être reprises lorsque la commune ou l’EPCI compétent est dans l’obligation d’entretenir la concession en exécution d’une donation ou d’une disposition testamentaire régulièrement acceptée (art. R. 2223-23 du code général des collectivités territoriales).
1.4. Sur le respect dû aux morts
Quelque soit le régime applicable, le juge administratif sanctionne la commune qui « aurait manqué à son devoir de décence, qui s’impose au maire au titre de la police des funérailles et des cimetières en application des articles L. 2213-18 et L. 2213-19 du code général des collectivités territoriales », notamment lorsqu’elle « aurait porté atteinte au respect dû aux morts garanti par l’article 16-1-1 du code civil ou qu’elle aurait contrevenu au droit au respect de la dignité de la personne humaine et de la vie privée et familiale consacré à l’article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales » (CAA de Nancy, 23 novembre 2021, req. n° 19NC02091 ; et dans ce sens, voir TA de Besançon, 21 mars 2025, req. n° 2300868, 2300869 et 2300870).
2. Le régime de l’exhumation à la demande de la famille
Lorsqu’une famille souhaite que la sépulture de l’un de ses défunts soit transférée dans une autre sépulture du même cimetière ou dans un autre cimetière, le plus proche parent du défunt doit en faire la demande auprès de la commune concernée. Il doit, à ce titre, justifier de son état civil, de son domicile et de la qualité en vertu de laquelle la demande est formulée (art. R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales).
La jurisprudence a précisé cette étape de la procédure en considérant que « saisie d’une telle demande, l’autorité administrative compétente doit s’assurer, au vu des pièces fournies par le demandeur, de la réalité du lien familial dont ce dernier se prévaut et de l’absence de parent plus proche que lui du défunt. Il appartient en outre au demandeur d’attester sur l’honneur qu’il n’existe aucun autre parent venant au même degré de parenté que lui ou, si c’est le cas, qu’aucun d’eux n’est susceptible de s’opposer à l’exhumation sollicitée. Il suit de là que le maire ne peut refuser l’exhumation qui lui est demandée que pour un motif de police administrative ou pour défaut de qualité du demandeur » (CAA de Marseille, 8 novembre 2021, req. n° 20MA00370 ; TA de Caen, 22 décembre 2023, req. n° 2101839).
C’est dans ce contexte que, à défaut de ces vérifications, le maire commet une faute de nature à engager la responsabilité de la commune (CAA de Nantes, 30 mars 2020, req. n° 19NT01063 ; TA de Lyon, 18 novembre 2022, req. n° 2104805).
Le code précise en outre que l’opération d’exhumation doit se dérouler en présence d’un parent ou d’un mandataire de la famille (art. R. 2213-40 du code général des collectivités territoriales), en dehors des heures d’ouverture du cimetière ou pendant les heures d’ouverture, dans une partie du cimetière fermée au public (art. R. 2213-42 du code général des collectivités territoriales).
Si le cercueil est trouvé en bon état de conservation, il ne peut être ouvert que s’il s’est écoulé un délai de 5 ans depuis le décès. A contrario, le corps est placé dans un autre cercueil ou dans une boite à ossements (art. R. 2213-42 du code général des collectivités territoriales).
La réinhumation doit être réalisée sans délai, quelque soit le lieu choisi par la famille (art. R. 2213-42 du code général des collectivités territoriales).